Demander l’Asile, oui mais en quelle procédure ?
Une personne qui souhaite obtenir le statut de réfugié1 ou à défaut une protection subsidiaire2 doit déposer un dossier de demande d’asile devant l’OFPRA3. Ce dossier est remis au requérant par la préfecture.
Celle-ci lui délivre une « Attestation de demande d’asile » et décide de la qualification de la procédure dans laquelle il sera engagé en tant que demandeur d’asile, après un court entretien avec lui.
Il y a 3 qualifications de procédure : la Procédure Normale, la Procédure Accélérée et la Procédure Dublin. Soit dans l’ordre, vu du demandeur d’asile, de la moins vulnérable à la plus vulnérable.
Le rendez-vous en préfecture s’obtient auprès de la SPADA4. En Isère, l’ ADATE est l’association, sous contrat avec l’État, habilitée à accueillir les personnes étrangères et à les informer sur la procédure de demande d’asile. Le demandeur d’asile aura ensuite à s’adresser au GUDA.
Le GUDA ou Guichet Unique Demande d’Asile : un rendez-vous en 2 étapes : Préfecture et OFII5
1- Dans les services de la préfecture
C’est durant cet entretien que la décision est prise de placer le requérant en procédure Normale (ci-après PN), Accélérée (ci-après PA) ou Dublin.
La préfecture prend les empreintes de la personne et vérifie si elles sont déjà présentes dans 2 bases de données : Visabio (où sont inscrites les empreintes de toute personne ayant déposée une demande de visa pour un pays de l’Union Européenne) et Eurodac (fichier européen où sont inscrites les empreintes des personnes ayant déposé une demande d’asile dans un autre pays de l’Union Européenne ou ayant été contrôlées après en avoir illégalement franchi la frontière).
Si les empreintes sont enregistrées dans Visabio ou Eurodac, le demandeur d’asile est placé en procédure Dublin et la France n’est alors pas responsable de sa demande d’asile, c’est le pays qui a effectué la prise d’empreintes qui en est responsable. En général, la France a 2 mois pour demander l’autorisation de transfert et l’Etat responsable a 2 mois pour répondre. A partir de l’accord du pays responsable, la France dispose encore d’un délai de 6 mois pour transférer le demandeur d’asile. Ce délai révolu, la personne a enfin le droit de déposer une demande d’asile qui sera alors qualifiée en PN ou PA.
Si les empreintes du requérant ne figurent ni dans Visabio ni dans Eurodac, la préfecture décide de placer le demandeur d’asile :
- en procédure Accélérée, principalement pour l’une des 2 raisons suivantes : s’il vient d’un pays dit « sûr »6 ou s’il a déposé sa demande d’asile au-delà des 90 jours suivant son arrivée en France. D’autres raisons peuvent être invoquées pour placer le requérant en PA.
- en procédure Normale sinon.
Quelque soit la procédure accordée, la préfecture remet alors au requérant une « Attestation de demande d’asile en Procédure X » certifiant son identité et son statut de demandeur d’asile, ainsi qu’un dossier OFPRA à remplir pour ceux en PN ou PA.
Un demandeur d’asile n’est donc ni une personne sans-papier,
ni une personne en situation irrégulière!
Le récit dans le dossier OFPRA : le dossier OFPRA en main, le demandeur d’asile a 21 jours pour le remplir et le renvoyer à l’OFPRA. Dans ce dossier figure entre autre ce que l’on appelle le récit dans lequel la personne doit expliquer les raisons qui l’ont amené à fuir son pays et les risques qu’il encoure s’il doit y retourner. Ces personnes étant très souvent dans l’incapacité de rédiger leur récit en français, la SPADA retranscrit le récit oral et fait appel à des interprètes.
2- A l’OFII
Une fois l’Attestation délivrée par la préfecture, c’est à l’OFII qu’il revient de gérer les Conditions Matérielles d’Accueil (CMA) du demandeur, en administrant le réseau d’hébergement, en évaluant sa vulnérabilité, et en assurant le versement mensuel de l’ADA « Allocation de Demandeur d’Asile ». Il y a 45 jours de carence minimum avant que le premier versement soit effectué.
Concernant l’hébergement, l’OFII peut imposer un lieu d’hébergement loin des structures associatives qui viennent en aide aux demandeurs d’asile voire même orienter le demandeur d’asile vers une autre région. C’est particulièrement vrai pour la région parisienne. Si la personne refuse de de rendre ou ne rejoint pas dans un délai de cinq jours le lieu d’hébergement, elle perd le bénéfice des CMA (hébergement et allocation) et se retrouve alors sans ressources. La personne est questionnée sur sa vulnérabilité pour déterminer sa priorité à bénéficier d’un hébergement. Mais environ la moitié des demandeurs d’asile bénéficiant des CMA n’est pas hébergée. A cela, il faut ajouter les demandeurs d’asile ne bénéficiant pas du tout des CMA, comme ceux qui, par exemple, ont dépassé le délai de 90 jours après leur arrivée en France pour déposer leur demande d’asile.
Quel est l’enjeu de la qualification de la procédure
En PN ou PA, la personne se voit accorder le droit de se maintenir sur le territoire français en attendant que l’OFPRA statue sur sa demande d’asile.
En PN, l’OFPRA statue sur la demande d’asile dans les six mois à compter de son introduction devant l’OFPRA. Le délai moyen de traitement est de trois mois. En PA, les demandes sont instruites dans un délai de quinze jours suivant l’introduction de la demande.
La Procédure Normale se distingue aussi de la Procédure Accélérée par les modalités du recours devant la CNDA7 et de celles de l’audience, suite à une décision négative de l’OFPRA.
Si l’OFPRA rejette sa demande, le demandeur d’asile a la possibilité de faire appel de la décision auprès de la CNDA et déposer un recours dans un délai de 1 mois. S’il est en PN, il sera entendu par une formation de 3 juges, accompagné d’un avocat . S’il est en PA ce sera par 1 seul juge et toujours accompagné d’un avocat. Mais surtout pour un demandeur d’asile en PA, le recours n’est pas suspensif d’une OQTF8 et ce depuis la Loi Collomb du 10 sept 2018, c’est-à-dire qu’il peut être renvoyé à tout moment dans son pays, pendant l’instruction même de son recours, avant que le juge de la CNDA n’ait statué sur ses craintes en cas de retour !
En Procédure Dublin, le demandeur d’asile est pendant environ 10 mois au cœur d’un échange administratif entre la France et le pays par lequel il est entré en Europe, peu enclin à le reprendre, ou dans lequel le demandeur d’asile n’avait pas choisi à priori de venir s’installer.
Cela soumet la personne à une décision arbitraire de renvoi, très anxiogène au quotidien. Le demandeur d’asile peut même être assigné à résidence ou placé en centre de rétention administrative.
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- Réfugié statutaire : Le statut de réfugié est accordé en application de l’article 1er, A, 2 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 « le terme de réfugié s’applique à toute personne craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner »
- Protection subsidiaire : Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne dont la situation ne répond pas à la définition du statut de réfugié mais pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’elle courrait dans son pays un risque réel de subir l’une des atteintes graves suivantes :
- la peine de mort ou une exécution;
- la torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants;
- pour des civils, une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle résultant d’une situation de conflit armé interne ou international.
- OFPRA : L’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides instruit les demandes d’asile, protège juridiquement et administrativement les réfugiés et bénéficiaire de la protection subsidiaire et conseille son Ministère de tutelle, le Ministère de l’Intérieur.
- SPADA : Structure de Premier Accueil des Demandeurs d’Asile.
- OFII: L’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration est un établissement public sous tutelle du Ministère de l’Intérieur chargé d’organiser l’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés sur le sol français.
- Liste des pays sûrs : au nombre de 13 actuellement, cette liste est définie par l’OFPRA et contient surtout les pays des Balkans, 6 d’entre eux dont l’Albanie, la Serbie, le Kosovo, à côté de l’Arménie, la Géorgie, l’Inde, la Moldavie et quelques autres. Trois pays d’Afrique l’ont été aussi un peu moins récemment.
- CNDA : La Cour Nationale du Droit d’Asile est une juridiction administrative spécialisée, statuant en premier et dernier ressort sur les recours formés contre les décisions de l’OFPRA. En cas d’annulation de la décision de l’OFPRA, la CNDA accorde elle-même la qualité de réfugié ou de bénéficiaire de la protection subsidiaire.
- OQTF : Obligation de Quitter le Territoire Français