CNDA, dernière étape !
La préparation des audiences constitue la dernière étape dans l’appui apporté par l’ADA aux demandeurs. Elle repose sur une complexe organisation en amont mise en place lors des permanences : il s’agit d’inscrire entre 6 et 10 RV par semaine sur une page d’agenda qui fera coïncider les disponibilités des DA, d’une équipe de bénévoles, des interprètes en tenant compte de 2 variables fluctuantes : les dates de convocation à la CNDA et l’offre de transport pour rejoindre la Cour Nationale du Droit d’Asile, le plus gros tribunal administratif de France, situé à Montreuil, rue Cuvier.
Les rendez-vous ont lieu le mercredi, sur le rythme de 3 voire 4 dossiers par demi-journée, pour une durée d’une heure environ. L’équipe se scinde en 2, chacune composée de 4 bénévoles si possible, une équipe le matin et l’autre l’après-midi (on a frôlé de peu les 3/8 cette année).
Le déroulement de la préparation
La préparation proprement dite s’articule en 3 séquences, sur une heure.
La première séquence consiste à exposer le trajet vers la Cour, et à remettre les titres de transport. Des tickets de métro sont donnés ainsi qu’un plan illustré de l’accès à la Cour. Des explications sont fournies sur le rôle et le fonctionnement de la Cour, les objectifs de l’instruction et l’organisation de l’audience.
La seconde séquence est une simulation, construite sur un modèle très proche de la séance de la Cour. Un rapport aura été préparé en amont par un membre de l’équipe, sur la base des éléments disponibles (récit OFPRA, rejet et notes d’entretien OFPRA, recours et mémoires éventuels, recherche géopolitique). Ce rapport est lu devant le requérant et les 3 bénévoles constitués en « formation de jugement » ou le juge unique quand la personne est en procédure accélérée. « Les juges » questionnent ensuite le demandeur pendant une demi-heure pour lui donner une idée de ce qui l’attend quelques jours plus tard et qui sera déterminant pour son parcours en France.
La dernière séquence est consacrée au debriefing et aux conseils en fonction de la prestation effectuée par le demandeur.
La spécificité de la CNDA
Comme tous les tribunaux, la CNDA juge en fonction du droit, ici le droit d’asile défini par un texte fondateur, La Convention de Genève qui protège les personnes persécutées dans leur pays pour un motif politique, ethnique, religieux ou lié au genre et par le CESEDA (Code de séjour des étrangers) qui assure la protection subsidiaire des personnes victimes de traitements inhumains et dégradants ou de violences généralisées dues à un conflit. Comme toute jurisprudence, la décision doit être motivée.
Le demandeur n’est ni accusé ni partie civile ni témoin : il conteste la décision de l’OFPRA qui ne lui a pas accordé de protection. S’il a fourni des arguments écrits dans son recours et s’il est assisté d’un avocat qui plaidera après son audition par les juges, c’est de ses déclarations orales que dépendra la décision.
L’enjeu pour le demandeur est de convaincre le juge que, non seulement il a été victime dans son pays de persécutions mais aussi qu’il n’a pu y être protégé par les autorités de ce pays et qu’il est en danger à la date de l’audience s’il rentre dans son pays. Or dans la majorité des situations, à la différence des autres tribunaux, le dossier ne comporte pas de preuves objectives car le demandeur est, le plus souvent parti de son pays dans l’urgence et la clandestinité. Quand, par hasard, il dispose d’actes d’état-civil, de convocations judiciaires, d’un procès-verbal de plainte ou de lettres de menaces, il doit pouvoir en justifier la provenance. Seule, sa parole compte, c’est-à-dire, sa présence, son regard, ses mots, ses silences et c’est cet oral qui emportera l’intime conviction des juges.
La majorité des demandeurs d’asile ne s’exprime pas en français et une bonne partie est analphabète. Beaucoup sont traumatisés à l’idée de raconter une énième fois les drames qu’ils ont vécus. Et pourtant, plus d’un tiers réussit cette performance !
Le défi de la simulation
Nous sommes une dizaine de bénévoles et, vu la particularité de nos interventions, nous apprécions de ne pas être seul(e)s : nous nous appuyons sur les permanents de l’ADA, toujours à l’écoute, et nous intervenons toujours à plusieurs : nous venons d’horizons différents mais nous nous sommes formé(e)s à l’ADA et avons pu suivre les audiences publiques de la CNDA avant le confinement. La pluralité de nos regards assure une certaine objectivité et partager tous les fardeaux que nous entendons les rend plus légers. Nous ne nous permettons aucun jugement mais essayons d’évaluer notre degré de conviction et de le confronter à la décision motivée de la CNDA que nous découvrons sur internet 3 semaines après l’audience. Nous accueillons volontiers de nouveaux bénévoles qui peuvent, dans un premier temps, assister aux jurys, avant d’y participer.
Michèle, bénévole ADA